Comprendre la parentalité et la culpabilité

La culpabilité parentale, est-elle une fatalité ?

culpabilité parentale

« Tous les parents se sentent coupables. On sait bien que c’est inévitable !»

N’est-ce pas là une croyance limitante à laquelle nous nous adonnons tous et toutes et dont nous avons héritée ?

Il est, en tout cas, légitime de se poser cette question. D’autant plus qu’elle a tendance à s’accentuer aujourd’hui avec toutes les nouvelles injonctions qu’on lance aux parents et la conscience nouvelle et collective des limites des ressources de notre planète.

Le rôle de parent change, les enfants aussi, la société et le monde, en général, se transforment et la manière de se projeter dans l’avenir est bien différente aujourd’hui d’il y a 20 ans.

La culpabilité change de visage. La culpabilité change de forme.

Elle peut être paralysante ou stimulante. Elle nous questionne dans nos choix, notre histoire, notre place.

Je parle ici de culpabilité mais il s’agit aussi de pression parentale, de responsabilité. La forme la plus aiguë est en effet la culpabilité.

Pourquoi la parentalité serait-elle tant liée à la culpabilité ?

Pourquoi se sentir coupable nous paraît-il normal dans cette fonction ?

Tout d’abord, nous allons réfléchir sur ce que veut dire : être parent et l’être aujourd’hui plus particulièrement.

Puis, nous disséquerons également ce qu’est la culpabilité, le lien entre les deux tout le long de ce texte, et les chemins qui nous permettent de nous libérer des effets néfastes de celle-ci. Voire, ce qu’elle peut nous apporter dans nos vies.

Être parent aujourd’hui

alléger sa culpabilité parentale

– Par essence, être parent, c’est donner la vie à un enfant (par choix ou pas).

Donner la vie, c’est quoi ? C’est la chance de respirer, de s’émerveiller. Mais c’est aussi le don de la souffrance, du risque de la maladie, de la mort. Nous le savons, nous pouvons même lui donner une maladie rare, grave dont nous étions porteurs mais dont nous n’avions, pourtant, aucune connaissance ! Et là, pour celleux qui lisent et qui sont parents, la culpabilité vous paralyse déjà !

– Faire un enfant, c’est aussi transmettre ses propres gènes, son histoire familiale (d’une manière inconsciente ou pas), les bonheurs, les tabous, … et là aussi la culpabilité n’est jamais bien loin car dans toutes les familles, il y a des non-dits et des souffrances qui, malgré nous, se transmettent.

– Être parent, c’est protéger un enfant. L’humain est très vulnérable et dépendant à sa naissance. Il fait partie des mammifères les plus fragiles. Les parents ont donc un rôle primordial dans sa survie. Ce qui l’invite à être très impliqué dans ce rôle d’une manière physiologique (nourriture, sommeil, maladie…) mais aussi d’un point de vue psychologique, nous souhaitons tous le bonheur de nos enfants. Et, nous nous en rendons vite compte en tant que parent : nous n’y arrivons pas toujours ! Pam : culpabilité !

– Être parent, c’est aussi éduquer. Faire des choix, conscients ou inconscients. Se référer à sa propre enfance, la suivre, faire l’inverse ou prendre le temps de l’analyser et de faire le tri. Se rendre compte qu’on s’est trompé, qu’aurait dû… qu’on n’est pas mieux que nos propres parents. Culpabilité ! Mais aussi, parfois, se féliciter de nos instincts merveilleux ! Alléluia !

– Être parent, c’est pour la vie. Ça ne s’arrête jamais. L’objectif ultime de cette fonction est (si on peut dire les choses ainsi) de tout faire pour que notre progéniture soit heureuse et qu’elle soit ensuite une personne adulte épanouie.

– Si le but ultime de ce rôle est donc que notre enfant soit heureux. Nous allons naturellement nous demander ce que ça veut dire. Bien sûr, ça dépend des personnes mais nous allons en dégager quelques grandes lignes :

Être en bonne santé. Pour en avoir une d’assez bonne, il s’agit que la balance penche du bon côté. Que les désagréments de notre corps et de notre psychisme ne pèsent pas plus lourd que les plaisirs de vivre (pour faire simple !).

Avoir des relations sociales enrichissantes. Oui, nous sommes des êtres sociaux, nous vivons dans une société humaine très organisée. Nous souhaitons la plupart du temps que notre enfant arrive à y trouver sa place.

On pourrait entrer plus dans les détails et ajouter à cette liste des sujets classiques d’inquiétudes parentales : le travail, l’argent, la solitude, l’amour…

Je ne mets pas ici non plus ni le côté spirituel qui est aussi une dimension humaine importante (plus pour certains que pour d’autres) ni la place que nous prenons dans cette vie d’une manière plus globale (animaux, nature…) mais il est quand même juste de le noter rapidement sans entrer dans les détails.

Nous le voyons, et ce n’est pas inutile de se le rappeler dans un article qui traite de la culpabilité parentale : nous sommes loin d’être les seuls facteurs de bonheur de nos enfants ! Mais comme nous sommes (physiologiquement et psychologiquement) à la base de leur existence, la culpabilité pointe toujours son nez !

– Réfléchissons maintenant un peu plus à la spécificité de notre époque. Nous l’avons dit plus haut, en tant que parent, nous pensons à son avenir, à lui parmi les autres, dans ce monde. Quand nous sommes parents, nous nous questionnons donc beaucoup sur le monde. Le monde n’a jamais été parfait, seule notre nostalgie nous le fait croire…

Réfléchissons à l’époque que nous traversons. Bien sûr, je vous livre la vision qu’est la mienne. Mais certains faits scientifiques sont tellement établis maintenant que tout le monde est impacté par cette réalité, nous ne pouvons plus le nier. Je parle ici du réchauffement climatique et de tous les changements nécessaires auxquels nous devons faire face. Nous n’allons pas entrer dans les détails de cette thématique mais, comme on parle ici de culpabilité, nous ne pouvons pas passer à côté !

– Nous pouvons donc nous sentir coupables de ne pas avoir fait plus attention. Ou nous culpabilisons les anciennes générations. Mais en tant que parent, la culpabilité qui nous paraît souvent la plus pesante, c’est celle qui concerne l’avenir de nos enfants. Nous avons mis au monde nos enfants dans une planète fragilisée. Ils n’y sont pour rien. Et, notre vision parentale de leur avenir peut vite devenir très sombre si on ne fait rien. Et quand je dis « faire » : ça comporte aussi (surtout !) le travail introspectif. Le chantier est gigantesque. Est-ce qu’ils arriveront à survivre ? Est-ce qu’ils ne seront pas trop écrasés par cette responsabilité (culpabilité ?) en tant qu’adultes ? Est-ce qu’ils arriveront à participer à ce changement de société ? Et comme il y a beaucoup d’inconnus, cette vision se nourrit de nos angoisses existentielles les plus fantasques, dignes des productions artistiques en tout genre ! Ce sentiment qui mêle la culpabilité et l’impuissance porte le doux nom de solastalgie.

– L’hyper communication, les injonctions en tout genre ! Il serait incomplet de parler du rôle de parents aujourd’hui si on ne parlait pas de tous les conseils, voire les devoirs absolus auxquels nous sommes soumis pour ne pas se sentir « un mauvais parent ». La liste des comportements à tenir est longue. Elle concerne autant le domaine de la santé que celui de l’éducation. Cela fait sûrement très longtemps que les parents sont soumis à cette pression parentale, mais le développement d’internet (des réseaux sociaux entre autres) et, une fois de plus, la prise de conscience de la pollution de notre terre, de notre air ajoute encore de la pression sur les parents. Par ailleurs, le fait de pouvoir se renseigner sur tous les sujets de société par un média dans lequel la qualité des informations n’est pas toujours de rigueur n’arrange rien à l’affaire ! Cela crée de la confusion et parfois une responsabilisation parentale complètement erronée. Le côté paradoxal de ce sentiment est qu’il est parfois accentué par le fait de se sentir impuissant. Ce qui n’enlève en rien au trouble ressenti, au contraire !

Nous l’avons vu, les causes de la culpabilité parentale sont multiples aujourd’hui.

Certains parents se disent hypersensibles à toutes ces peurs. Il semblerait en effet que les personnes avec une personnalité hypersensible, soient plus sujettes à souffrir de culpabilité. Je ne connais pas d’études à ce sujet mais c’est ce que je remarque autour de moi.

Prenons maintenant le temps d’analyser ce qu’est la culpabilité.

La culpabilité : qu’est-ce que c’est au juste et d’où ça vient ?

Comprendre la culpabilité

Commençons par définir ce mot :

– Sentiment de culpabilité : Par lequel on se sent coupable.

Définissons maintenant le mot coupable : Qui a commis une faute (délit, crime…)

Il semblerait qu’il nous renvoie à la justice, donc à notre rapport avec les autres. C’est un sentiment social. Et cette notion est primordiale ! Il s’agit de nous face aux autres.

– À chaque moment de notre vie où nous avons souffert de la relation à l’autre (abandon, rejet,…) et au groupe social (la famille en est le premier !), il y a fort à parier que la culpabilité s’y cache.

En tant que parent, et ce n’est pas vraiment une découverte, toute notre propre enfance ressurgit ainsi que les blessures des liens « nourriciers » passées. Comme nous l’avons vu plus haut, la dépendance entre le parent et l’enfant est très forte pendant quelques années. Le fait de devoir protéger son enfant nous ramène inévitablement à nos besoins, nos frustrations passées. Et derrière : la fameuse culpabilité ! qui peut être enfouie sous une bonne dose de colère.

Cette culpabilité est d’autant plus forte si des traumatismes très forts dans l’enfance ont eu lieu. Autrement dit : si l’enfant (devenu parent) ne s’est pas senti épaulé, accompagné, aimé, sécurisé, accepté…

Nous voyons donc comment la culpabilité vive chez un parent peut parler aussi de ses propres blessures.

Elle peut être injustifiée, (elle l’est souvent d’ailleurs !) elle n’en reste pas moins paralysante. Bien sûr, prendre conscience de tout cela lui enlèvera du pouvoir sur sa vie.

– Nous parlons ici du caractère négatif de la culpabilité mais voyons aussi les aspects positifs :

Imaginons que nous ne ressentions jamais de culpabilité : nous serions dans un rapport très égoïste aux autres et au monde. Il nous fragilise mais nous rend humain tout simplement avec une conscience de notre responsabilité dans le rapport social.

Notre sentiment de culpabilité est en fait le signe de notre empathie envers les autres. Quand il est absent, on parle de maladie mentale. Les psychopathes en sont dépourvus.

– Par ailleurs, il y a quelques remèdes immédiats à notre sentiment de culpabilité, l’un d’eux est le désir de réparation. On a envie de s’excuser, de revenir sur nos erreurs. Nous pouvons, quand nous avons fait une erreur de jugement, nous excuser auprès de nos enfants. Et la plupart d’entre nous, le font. On en ressort d’ailleurs souvent soulagés et la relation en est enrichie.

– Mais voilà, quand nous sommes parents et que nous nous sentons coupables, comment réparer ces erreurs dont nous ne sommes pas responsables des causes ?

 Le sentiment de culpabilité est aussi nourri par nos désirs de perfection, de contrôle. Et à cet endroit-là, nous pouvons agir en acceptant pas à pas notre imperfection intrinsèque à notre nature humaine, à la nature en général ! Derrière ce désir de maîtrise, se cachent là aussi souvent des émotions profondes qu’il est bon de libérer.

– Nous pouvons aussi rapidement parler de notre culture judéo-chrétienne qui met en avant la morale avec la culpabilité et l’interdiction de certains actes. Mais aussi de toute la vision en psychologie et en psychanalyse qui nous apprend que cette partie de nous qui se sent coupable s’appelle le surmoi, c’est une instance morale également qui joue souvent au dictateur !

Nous ne pouvons que constater toute la complexité qui se cache derrière ce sentiment de culpabilité. Il s’agit du lien envers les autres, de notre rapport au groupe social. La culpabilité nous renvoie autant à notre propre histoire qu’à l’Histoire (avec un grand H !)

Se servir de la culpabilité en tant que parent

alléger sa culpabilité parentale

Après avoir défini ce qu’est la culpabilité ou plutôt le sentiment de culpabilité.

Après avoir listé toutes les raisons qui nous mènent à le ressentir (d’une manière plus ou moins violente) en tant que parent, on va maintenant tenter de tracer une relation « saine » entre cette fonction de parent et ce sentiment douloureux.

– Nous l’avons vu, le sentiment de culpabilité peut nous inviter à nous replonger dans notre enfance afin de soigner des blessures du lien, de la relation. Nous pouvons être heureux de nous servir de notre culpabilité parentale pour s’alléger de quelques blessures. Plus nous regardons en face nos blessures et moins nous les transmettons à nos enfants.

– Par ailleurs, ce sentiment nous montre que nous nous mettons sûrement trop la pression. Peut-être parce que nous manquons d’estime, de confiance en nous. Même si nous avons beaucoup souffert enfant, nous pouvons devenir des parents imparfaits et créatifs. Le fait de prendre conscience de notre fort sentiment de culpabilité peut nous servir à nous alerter sur notre désir inatteignable de perfection. Peut-être que reproduisons un schéma que nous avons subi enfant. Il peut être utile de se faire accompagner.

Le monde est imparfait. Les enfants le sont. Pourquoi les parents ne le seraient pas ? Si nous faisons des erreurs, excusons-nous, puis avançons en ayant l’impression d’être vulnérable mais vivant !

Nous subissons des actes passés mais tout est toujours en mouvement, rien n’est figé ! S’il y a quelque chose qu’il est urgent d’alléger pour la génération de nos enfants, c’est bel et bien ce sentiment de culpabilité ! Alors parents, allégez-vous !

En bref, être parent, c’est choisir de ne plus être que l’enfant de son parent. C’est de le devenir à notre tour ! C’est prendre le risque de ne pas être mieux que la génération précédente. C’est prendre des risques… Et c’est déjà bien assez pour se pardonner d’être imparfait !

Il se peut que vous ayez besoin d’aide. Et alors ? Cette mission est si difficile qu’oser se faire aider, c’est faire preuve de courage. Plonger dans sa propre enfance pour ne pas transmettre à ses enfants ses propres blessures, c’est le plus beau des cadeaux à faire à sa douce progéniture.

Allégez-vous et vous allégerez leur vie future.