Parent en thérapie

Famille chez une psy

– Comprendre pourquoi ma fille a ce comportement est-il suffisant pour que l’émotion cesse de la troubler ?

– Parfois oui. Mais comme pour les adultes en thérapie : quand on a compris, on a souvent fait la moitié du chemin. L’autre partie consiste à « comprendre d’une manière émotionnelle ».

– Mais c’est impossible ! Quand on est pris dans une émotion, on cesse de penser d’une manière constructive.

– Suivre le cours de l’émotion comme on suivrait un cours d’eau. L’accueillir d’abord et quand on l’accueille vraiment, la conscience s’éveille et nous pouvons alors suivre la rivière jusqu’à sa source. Le trouble qui va avec l’émotion cesse alors et l’émotion s’apaise.

– Mais qu’est-ce que qu’il y a à la source d’une émotion ?

– Pour les émotions chroniques, parasites qui nous empoisonnent un peu l’existence, la rivière va sûrement remonter le temps vers l’enfance. Pour ta fille, la source est proche. Pour les enfants d’une manière générale, si on les accompagne sur ce chemin, ils deviendront de véritables nageurs en eaux troubles ! Ils verront, sentiront, décoderont. À la source d’une émotion forte chronique, il y a souvent un besoin inassouvi. Simplement cela.

– Mais pourquoi n’a-t-elle pas pu reconnaître ce besoin au moment où il est apparu ?

– Nos besoins ne sont pas toujours acceptables en toutes circonstances. Un enfant sent, sait d’une manière inconsciente d’abord, ce que ses parents sont en mesure d’entendre. Et il fera tout pour s’y conformer. Leur amour lui est indispensable donc ses stratégies inconscientes peuvent être élaborées.

– En nous épuisant par ses débordements constants, elle fait tout pour qu’on l’aime ? La stratégie n’est pas top quand même !

– Revenons à notre image de rivière. L’émotion a la même énergie que l’eau, on peut créer des barrages pour qu’elle ne passe pas mais elle trouvera un chemin. À travers les nappes phréatiques parfois ou elle créera des inondations car on aura bloqué son chemin initial. L’énergie de l’eau, c’est l’énergie de la vie, elle est inévitable. Pareil pour les émotions ! Un enfant hypersensible, comme ta fille, aura tout un réseau de ruisseaux, de rivières et les courants seront plus forts que dans les ruisseaux d’un autre enfant.

– Alors, tu n’as pas répondu : pourquoi Louise n’a pas dit son besoin au moment où elle l’a ressenti ?

– Parce que nous, parents ou accompagnants ne sommes pas en mesure de tout entendre. Parce que les rivières de nos enfants sont reliées aux nôtres. Ils sentent les barrages. Et si on a mis des barrages, ça veut dire que c’est dangereux alors, non ? Ils n’y vont pas. Mais comme ils ne peuvent pas bloquer l’énergie de l’émotion, elle est déviée. Et elle crée encore plus d’énergie. Essaye de retenir l’eau d’un cours d’eau dynamique, l’eau jaillira en haut, en bas, sur les côtés. Alors que si tu le suis…

– J’aimerais n’être que de la terre ou du caillou.

– L’eau nous rend vulnérable.

– Je ne veux pas être fragile, vulnérable.

– …

– Nos émotions vont jusqu’à la mer ? – Je te laisse méditer là-dessus… À la semaine prochaine